Les 280 camions du convoi dit humanitaire russe sont actuellement semi invisibles dans la campagne russe. Parti de la base de la 2e Division de Fusiliers Motorisés de Taman près de Moscou, ces beaux véhicules transportent 2000 tonnes de matériel, soit 7 tonnes par véhicule. Ce n’est pas énorme. Les chauffeurs, eux, font ce qu’on leur dit: des soldats en uniforme d’été de couleur ocre manches courtes et shorts, conduisant des camions SANS PLAQUES D’IMMATRICULATION. Cela ressemble au faux-semblant des petits hommes verts en Crimée en février. Dans le drame russo-ukrainien, les apparences sont souvent totalement INFORMATIVES: les hommes verts de Crimée étaient des soldats russes, et les hommes en shorts ocre sont également des soldats, possiblement des Fusiliers motorisés. On a vu des images officielles de la cargaison de deux camions, et c’est bien cela: deux camions contiennent de l’aide, 278 camions contiennent l’on ne sait trop quoi. Il n’y a pas de liste officielle publique.
Le Ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov insiste qu’il s’agit d’un convoi humanitaire, et que le point de passage vers le cœur du Donbass (villes de Donetsk et Lougansk) — là où il faut livrer les denrées d’aide — passe par la ville de Kharkov. Or voici que le convoi est difficile à situer, et selon des sources d’Euromaidan Presse — media politique du mouvement Maidan mais très supérieurement informé — évaluent l’emplacement d’une grosse partie du convoi à Rostov-sur-le-Don en Russie.
Quelle importance le lieu pourvu que l’aide passe? Simple. La frontière à Kharkov est contrôlée par les Garde-frontières ukrainien, donc ceux-ci pourront inspecter le contenu des camions. Rostov, proche de la partie de la frontière du Donbass ukrainien que les Garde-frontières ne contrôlent pas, sera bien moins gênante pour un convoi: pas de fouilles de la part des autorités ukrainiennes. La légalité d’un transport militaire humanitaire d’un État étranger ne se fait pas sans l’autorisation de l’État d’accueil et sans présence des autorités internationales comme la Croix-Rouge Internationale, l’ONU, ou encore l’OSCE (Oganisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, qui réunit la Russie aux autres États européens, et qui brille par ses dyfonctionnements inévitables). Le gouvernement ukrainien répète que la permission d’entrer n’a pas été fournie; cela contredit entièrement ce que dit Lavrov. Les organisations internationales restent silencieuses: la Croix-Rouge est coite, et l’OSCE est au nombre de quelques douzaines, mais n’a encore rien vu.
Mais s’il s’agit d’aide, quelle importance si elle passe là où il n’y a pas de garde-frontières ukrainien? Parce qu’ainsi, le cheval de Troie entrerait. Les 278 camions de matériel militaire, et éventuellement de troupes, seraient l’embryon d’une opération militaire russe en plein territoire ukrainien pourrait commencer.
L’armée russe peut-elle entrer impunément en Ukraine et tirer sur l’armée ukrainienne? Le prolongement de l’hypothèse du Cheval de Troie est comme suit: le convoi, si évidemment militaire, serait stoppé par les troupes ukrainiennes qui finiraient par tirer dessus. Et voilà! L’excuse militaire, le prétexte, serait donné au Kremlin pour ordonner aux forces russes massées sur la frontière d’entrer en Ukraine pour protéger le convoi! Des tactiques similaires, quoique moins élaborées, étaient utilisées en Géorgie en 2008. Le gouvernement ukrainien met en garde ouvertement contre une invasion rampante russe. Un cheval de Troie transparent.