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اليزيدية ديانة قديمة وشعب مضطهد

Harold BFM TVبقلم هارولد هيمان

Les Yazidis, le peuple persécuté d’une religion antique

Qui sont-ils exactement? Une minorité religieuse vivant en communauté, comme il y en a plusieurs au Moyen-Orient, qui ne sont pas musulmans ou bien seulement vaguement rattachés à l’islam. L’on connaît les Druzes, éventuellement non musulmans, et les Alaouites et les Ismaéliens, liés à divers degrés à l’islam; les Samaritains liés au judaïsme. Puis il y a les Yazidis à la fois très spécifiques et sans lien à d’autres. Voyez-les sous leur aspect religieux, puis politique.

Partie 1: Une religion plus vieille que le zoroastrisme

Zoroastre, ce prophète persan du deuxième millénaire avant Jésus-Christ, nous est connu. Plusieurs branches de zoroastrisme existent, mais le yazidisme ne fait pas partie de ceux-là. C’est très probablement une religion antérieure à Zoroastre, issue du même terreau que l’on pourrait appeler la religion de Mithra, ou encore religion du Soleil. Il y a même des sanctuaires mithréens dans la France archéologique, construits par des Romains convertis.

Les Yazidis ne croient pas à la lutte entre le Bien et le Mal comme les Zoroastriens, mais plutôt à un Créateur Suprême unique qui créa le Bien et le Mal en même temps, le Mal étant comme une surdose de Bien, tout comme pour eux le Soleil est la grande source de vie mais aussi possible source de mort, comme l’explique Karl Mund, un Allemand autodidacte hautement spécialisé dans les Yazidis d’aujourd’hui. Ils vénèrent Abraham comme un ancêtre, et ils vénèrent surtout l’Ange Paon, le paon étant un oiseau sacré dans le monde persan, peut-être le symbole du soleil. Au 12e siècle de notre ère, un sage soufi, Adi bin Musafir, se réfugia dans les montagnes yazidies et influença grandement une réforme yazidie qui est encore palpable aujourd’hui. Le yazidisme ne se rattacha pas pour autant à l’islam, et sa caractéristique principale est l’observation de la nature, et les leçons de vie qui peuvent en découler.

Leur religion est orale, sans vrai livre sacré central et autoritaire. Ses adeptes vivent en communautés hermétiques, mais sont ethniquement kurdes même s’il y a pas de reconnaissance mutuelle absolue entre eux et les Kurdes d’aujourd’hui. La femme a un statut de quasi-égalité, et la monogamie est de rigueur. Les yazidis ont toujours été très mal vus par l’islam officiel sunnite au cours des siècles, car n’étant pas des fidèles d’une religion du livre comme le judaïsme, le christianisme et l’islam. Ils ont un chef spirituel, le “pape” des Yazidis, Baba Cheikh Kheto Hajji. Et un prince temporel, Mir Tahseen Beg. Les deux postes sont héréditaires. Il y a des clans, certains parlent de castes, mais la société reste plutôt égalitaire.

Leur lieu sacré est le temple de Lalich, dans les montagnes du Sinjar. C’est là que les enfants sont “baptisés”, et que réside en temps normal leur “pape”.

La survie des Yazidis dans le Moyen-Orient torturé:

Ils ont traversé des épisodes de persécution depuis plusieurs siècles, face aux poussées de fondamentalisme sunnite. Eux-mêmes ne sont connus pour aucune persécution, ont généralement évité l’enrôlement militaire sous les Ottomans et n’ont donc pas eu l’occasion de persécuter quiconque. Au nombre de 800 000 aujourd’hui, selon Karl Mund, spécialiste autodidacte allemand de ces Yazidis, ils seraient très nombreux à cacher leur religion, ce qui donne l’impression qu’ils ne sont que 500 000 voire 200 000. Il vivent vers Alep en Syrie, et surtout à Mossoul et au nord de cette ville, dans le district de Ninive et le district de Dohuk. Dans le Caucase, ils sont quelque 120 000, issus d’exils du 19e et 20e siècles. Environ 70 000 vivent en Allemagne, leur principale patrie d’exil en Occident.

En Irak leur situation est actuellement catastrophique, en dehors du Kurdistan autonome d’Irak où ils sont nombreux à s’être réfugiés. Déjà sous Saddam Hussein ils étaient brutalisés par le régime qui détruisait souvent leurs villages, car ils étaient soupçonnés de collaborer avec la résistance kurde anti-Saddam. L’invasion américaine marqua un bref répit, puis en 2007 ils ont fait l’objet d’une série épouvantable d’attentats djihadistes au camion piégé qui tua 700 personnes. Voici que les mêmes djihadistes les ont repoussé de Mossoul ce juillet-août, qu’ils ont tous fuit car l’État islamique leur promettait la mort en tant qu’ “adorateurs du diable”.

Repliés en catastrophe vers leur traditionnel bastion montagneux du Mont Sinjar, vers la frontière syrienne à l’ouest, où ils se sont réfugiés par le passé, ou encore dans leur temple de Lalich à l’est, non loin du Kurdistan irakien, ils sont très vulnérables et sont bien nombreux avoir péri lors de la fuite. Dans ces moments critiques, ils n’ont eu que les pechmergas — miliciens du Kurdistan autonome d’Irak — pour les protéger, bien maladroitement au début, un peu mieux aujourdhui. Les militaires américains, eux, n’ont pas jugé leur situation assez critique pour les évacuer en masse par hélicoptère — cette réaction américaine demeure mystérieuse. La vraie surprise des derniers jours: ceux qui les ont sauvé, ce sont les miliciens kurdes de Syrie, ceux du PYD, qui ont traversé la frontière et organisé leur fuite vers le Kurdistan d’Irak.

Il y a fort à parier que l’État islamique continuera à leur mener une chasse barbare. Leur méthode pour les Yazidis qui refusent de se convertir (sans que l’on sache ce qu’une telle conversion implique précisément): ils tuent les hommes, et souvent les femmes et les enfants. Décapitation, ou ensevelissement vivant. L’autre possibilité pour une femme est de devenir l’ “épouse” — l’esclave sexuelle — d’un combattant terroriste. Surtout, leur sort n’est d’aucune importance, les minorités religieuses qui ne sont pas des gens du Livre n’ayant pas spécialement le droit de vivre. Les Yazidis devraient avoir le privilège d’être mieux connus, avec leur religion plus vieille que le christianisme, en attendant que la civilisation revienne à leur coin du monde.